Mon nom est Rory le cuisinier. Je nourris tout le monde au Andrew Fleck Child Care Centre, sauf les jeudis où Kathleen, la « cowgirl », me remplace pour que je puisse faire autre chose, comme de la musique. J’écris de la musique pour une chorale et un groupe de jazz, je joue de la batterie et des percussions, j’ai un intérêt particulier pour la musique d’improvisation et, à l’occasion, je donne des cours individuels et de groupe. J’ai eu le plaisir de diriger des ateliers de musique pour des enfants à la Featherston Autism Unit et aussi pour des enfants autistes par l’entremise du programme SNAP, dirigé par la Ville d’Ottawa. Mon intérêt dans l’improvisation musicale a joué un rôle important dans le succès de ces activités. Voici l’histoire d’une séance particulièrement réussie avec des adolescents participant au programme SNAP.
Nous nous sommes réunis au Baobab Tree Studio où ma femme, Kathy Armstrong, dirige son groupe Baobab Youth Performers, et où, au fil des ans, elle a donné des cours de tambour et de danse pour des gens de tout âge. J’ai récemment découvert à quel point il est calmant d’éteindre l’éclairage fluorescent directement au-dessus de nous afin d’éclairer plutôt les participants au moyen d’une série de lumières orange et mauve d’Halloween regroupées autour d’un feu de camp électrique se trouvant au milieu du cercle; les visages luisaient à la lumière de l’éclairage tamisé.
Après avoir enseigné la technique rudimentaire pour jouer du tambour de main africain, j’ai amorcé une activité circulaire d’appel et de réponse qui a commencé de façon très simple, mais qui s’est graduellement transformé en une forme de petit opéra.
J’ai joué un rythme très simple sur mon tambour, que quelques battements, et j’ai invité les participants à répéter le rythme. Je l’ai rejoué, et ils l’ont rejoué de nouveau. Je l’ai joué en le modifiant un peu et ils l’ont répété. Ensuite, je l’ai joué plus doucement et ils en ont fait autant, puis je l’ai joué chaque fois plus doucement jusqu’à ce qu’on ne l’entende plus.
J’ai invité la personne à ma gauche à jouer quelques battements pour que le groupe les répète. Nous avons suivi la succession de changements rythmiques discrets qu’elle faisait, jusqu’au silence. La personne se trouvant à côté d’elle n’était pas à l’aise avec l’idée de jouer pour le groupe et ne pouvait penser à un rythme, je lui ai donc proposé de faire un seul battement sur le tambour, puis chaque participant en a fait de même. J’ai proposé d’ajouter un battement et le groupe a répété ce qu’elle a fait. Nous avons continué ainsi, tout en gardant le rythme simple, pour éventuellement obtenir le silence. J’ai présenté l’idée de dynamique (changements de volume) et expliqué comment cela pourrait contribuer à façonner davantage la musique que nous faisions. La contribution des participants qui s’estompait lentement a façonné la musique et nous avons vraiment créé une série de belles pièces autour du feu de camp.
À ce moment, un des participants ne jouait plus depuis longtemps et s’était rendu à l’extrémité de la pièce où il s’était installé sur quelques chaises pour être plus à l’aise, laissant sa chaise dans le cercle inoccupé. Il avait bâillé à plusieurs reprises pendant les premiers instants et je me suis dit que s’il était si ennuyé, fatigué ou mal disposé, je ne voulais pas lui forcer la main. Lorsque nous sommes finalement arrivés à sa chaise vide, je lui ai demandé s’il voulait nous rejoindre et jouer un rythme pour que nous le répétions. Il ne pouvait pas sembler plus fatigué ou moins intéressé. « Uhhhh……je….je suis vraiment fatigué ».
Je lui ai demandé s’il était sûr de ne pas vouloir essayer. Il l’était! Il s’est enfoncé davantage jusqu’à ce qu’il soit presque couché. Je ne sais trop comment, mais j’ai eu l’instinct de ne rien dire et de laisser le silence faire le travail. Au bout d’une minute, c’est un silence assez long dans un contexte de groupe, il a dit « Bon, d’accord! Je vais jouer quelque chose ». Je ne savais pas du tout à quoi nous pouvions nous attendre. Il s’est rendu à sa chaise, s’est assis et a dit « Je vais vous raconter une histoire ».
Son nom est Jeffrey. Il a créé une histoire portant sur un roi, le roi Koonto. Je l’ai encouragé dans son histoire, répétant chaque fois ses derniers mots, ce qui semble également bien fonctionner avec les très jeunes enfants. Bien que j’étais ravi de sa création orale spontanée, je croyais que nous devrions toutefois revenir à notre activité de tambour, et lui ai demandé si ce roi avait un rythme spécial qui était joué à chaque fois que son nom serait prononcé. Évidemment, il y en avait un. Jeffrey nous a joué le rythme et nous l’avons tous répété à chaque fois qu’il mentionnait le roi Koonto. Non seulement le roi avait-il un rythme, mais une chanson allait aussi avec l’histoire, et en imitant de façon stupéfiante la voix d’un ténor d’opéra, il nous a chanté la chanson du roi Koonto et nous avons répondu avec nos tambours. En fait, je me suis efforcé de répondre dans une voix d’opéra, mais l’expression des participants autour du cercle m’ont donné à penser que le tambour était une meilleure option pour le reste du groupe.
Bien évidemment, le roi avait une reine et ils avaient eu une princesse, et chacun des personnages avait un rythme que nous avons tous joué plusieurs fois et dont l’intensité baissait jusqu’au silence, après chaque épisode. Alors que je me demandais en silence jusqu’où j’allais laisser Jeffrey poursuivre sa narration, le temps était écoulé.
Les parents et le coordonnateur du programme SNAP sont revenus dans la salle, les fluorescents ont été allumés, le charme a été rompu et je ne pouvais penser à aucune façon d’exprimer tout le chemin que nous avions parcouru au cours de cette heure. J’ai quitté le studio ravi et Jeffrey est devenu un élève privé pendant quelques années de composition musicale très inspirée.
Rédigé by Rory Magill
Cuisinier, Andrew Fleck Child Care Centre de la rue George
http://ottawa.ca/fr/residents/parcs-et-des-loisirs/cours-pour-tous-les-ages-avec-inscription/services-pour-les-besoins (SNAP)