Moira D’Aoust a passé sa carrière à diriger la cause pour un accès inclusif aux services de garde agréés pour les enfants ayant des besoins particuliers dans la région d’Ottawa. La croyance véritable de Moira est que tous les enfants ont leur place dans des services de garde de qualité, et qu’ils y ont droit, lui a conféré un rôle de leader, non seulement dans la ville d’Ottawa, mais également un statut de visionnaire dans l’ensemble de l’Ontario. Alors qu’elle s’apprête à quitter les Services d’intégration pour jeunes enfants (SIJE), elle a rencontré certaines de ses collègues en prenant un thé et des gâteries afin de mettre en relief les récits des réussites et des difficultés de son cheminement, de même que ses rêves pour l’avenir.
Q. Avant la création de SIJE il y a 25 ans, quels programmes et soutiens étaient disponibles pour les parents dans notre communauté?
Au début de ma carrière, le système favorisant l’inclusion n’existait pas. Les familles avec un enfant ayant des besoins particuliers devaient prendre des décisions difficiles lorsqu’on leur disait de les institutionnaliser. Dans la continuité de l’historique de l’inclusion, l’institutionnalisation a vraiment été le début. À partir de ce moment, les familles qui avaient décidé de ne pas envoyer leur enfant en institution ont été le commencement d’un modèle ségrégué. Les parents avaient le droit de choisir, et c’est encore le cas.
En 1973, il existait 10 centres de développement financés par le ministère des Services sociaux et communautaires dans la province, dont un à Ottawa. C’est à cet endroit que mon aventure a débuté. Les familles qui étaient isolées parce que leurs enfants, âgés de 3 à 19 ans, n’avaient accès à aucuns services communautaires ou à l’école en raison de leurs besoins particuliers, ont été réunies. Les familles ont commencé à discuter et à revendiquer pour obtenir plus de services. De nombreuses familles ont décidé qu’un partenaire serait porte-parole au sein des systèmes afin d’avoir une voix au chapitre, se sont ces parents qui ont vraiment été les pionniers de nombreux services qui existent maintenant.
Q. Lorsque l’Ottawa & District Association for the Mentally Retarded (ODAMR) et la municipalité régionale d’Ottawa-Carleton (MROC) se sont amalgamés sous un seul système, quels étaient les défis et objectifs immédiats?
Dans le cadre d’un processus d’analyse des systèmes ségrégués et intégrés, les familles ont expliqué que les besoins de l’enfant étaient comblés, mais que les besoins de la famille en matière d’accès et de soutient en services de garde ne l’étaient pas. L’inclusion à la MROC était très sélective quant aux personnes admissibles à l’intégration et les listes d’attente étaient très longues pour les deux systèmes. Les familles devaient se déplacer où se trouvaient les enseignant(e)s-ressources, les enfants devaient être capables de communiquer d’une certaine manière, être propres ou presque, être capables de marcher avec une aide minimale, et ils devaient être capables de se débrouiller avec les ratios réguliers du groupe lorsque l’enseignant(e)-ressource n’était pas disponible.
Il y a 26 ans, l’ODAMR informait les membres de son personnel qu’ils cesseraient d’opérer les prématernelles ségrégées. Il n’y avait pas de temps pour entreprendre le développement communautaire ou de créer un nouvel organisme. C’est à ce moment que les dirigeants de la MROC et du ministère des Services sociaux et communautaires ont débuté leur recherche pour un organisme qui affichait de bons résultats dans l’élaboration de programmes, de politiques et de procédures, et ils ont approché les Services à l’enfance Andrew Fleck (SEAF).
Les SEAF sont devenus les opérateurs visionnaires du nouveau modèle d’inclusion, et par attrition, les enfants ont quittés les programmes ségrégués, ce qui a libéré des fonds pour créer les débuts de SIJE. J’ai d’abord été embauchée à titre de gestionnaire du programme ségrégué par l’intermédiaire des SEAF, et Susan Spence était la coordonnatrice des placements du programme intégré. C’était visionnaire que le nouveau modèle nous a réunis Susan et moi pour aller de l’avant. C’était nos tout débuts, avec deux téléphones sur le plancher la journée où nous sommes arrivées qui ont commencé à sonner et nous n’avons jamais réellement eu de temps mort, nous n’avons jamais arrêté depuis. Nous sommes demeurées fidèles à la vision de l’analyse communautaire jusqu’à aujourd’hui, qui est d’offrir des services flexibles et attentifs.

Moira D’Aoust
Au cours de notre processus d’aiguillage, nous avons demandé aux parents ce dont ils avaient besoin en tant que famille, ce dont leur enfant avait besoin, selon eux, et avec la permission des parents, nous avons demandé aux services de garde ce dont ils avaient besoin. Puis, nous avons créé un plan de soutien, qui est toujours d’actualité. Les services de garde voulaient de la formation, et c’est devenu une partie importante de notre travail.
Au début, les gens étaient sceptiques. Lorsque vous favorisez l’inclusion, il s’agit d’établir des partenariats et une confiance. L’inclusion se définit réellement comme étant un sentiment de réciprocité et de respect. On nous a questionnés comment est-ce possible qu’un programme anglophone d’héritage anglaise qui s’assoit en après-midi pour boire une tasse de thé pouvait réellement appuyer les familles francophones et desservir la communauté francophone. Nous l’avons fait au fil des années, avec une grande intégrité et nous avons travaillé fort pour aborder toutes les questions et préoccupations.
Q. Quand avez-vous remarqué le changement dans la terminologie de l’intégration à l’inclusion?
Je crois que c’est avec l’expérience de vie. Je ne me souviens pas d’une date précise. Il faut comprendre que l’intégration est une pensée, un concept qui fait partie de notre courbe d’apprentissage à l’âge adulte. Les enfants ont le droit d’être intégrés et le fait d’être dans la même pièce ne démontre pas l’inclusion. On peut être très isolé dans un environnement d’intégration, comme on l’a tous vu. Pour ma part, j’étais uniquement limitée par mes connaissances. Plus j’ai acquis de ressources et de connaissances, plus j’ai été en mesure de me concentrer sur les possibilités plutôt que sur les handicaps.
Q. Moira, vous avez été un leader extraordinaire en étant un modèle incroyable pour nous. Durant votre carrière avez-vous eu des modèles ou mentors?
Il y a 44 ans, au Centre de Développement, j’ai appris quelque chose qui m’a suivie tout au long de ma carrière. Une discipline ou une profession ne détient pas à elle seule toutes les réponses; notre qualité se mesure par la somme de toutes les parties. Dans le cadre de ce programme, 3 personnes ont vraiment été des mentors pour moi : Phyllis Levin (physiothérapeute), Jane Boni (ergothérapeute) et Nan Dauphine (orthophoniste). Ensemble, nous avons créé un transfert de nos connaissances et nous avons établi la capacité de ne pas se sentir menacées ou de ne pas présumer des distinctions. Il s’agissait de faire une différence et de s’assurer que nous associions toujours la recommandation à la formation. Dennise Albrecht, du Réseau de santé des enfants et adolescents, a également été une mentore extraordinaire. Elle était le cadeau de notre collectivité, parce qu’elle croyait aux possibilités et elle était visionnaire. Elle explorait continuellement les possibilités intersectorielles afin de combler les lacunes.
Les enfants, chacun d’eux m’on apprit quelque chose; les respecter et vraiment les écouter. Les parents, fondamentalement ont été les meilleurs mentors pour moi; ils rendent hommage à leur enfant en échangeant leurs connaissances, leurs espoirs et leurs désirs avec moi. C’est réellement demeuré en moi.
Q. Quels seraient les meilleurs moments de votre carrière?

Moira durant la célébration de sa retraite du SIJE en mars 2017.
Lorsque j’ai réalisé que je pouvais faire une différence en travaillant avec les enfants, et ce n’est pas nécessaire d’être quelque chose d’énorme. Je suis très fière de ce que nous avons créé en tant qu’équipe lorsque je pense à SIJE. La création du Programme d’orientation positif (POP), qui est le résultat d’une longue réflexion, du respect, de la résolution de problèmes et les discussions. Notre capacité d’être à l’écoute et de porter une attention aux changements dans l’environnement.
Je célèbre également chaque fois que nous tenons une conférence parce que c’est notre façon de maintenir l’inspiration, mais également de reconnaître le travail ardu entrepris par le personnel éducateur, les responsables de garde, les consultantes en milieu familial et l’équipe de SIJE. Je crois vraiment qu’il s’agit d’éléments marquants dans mon cheminement.
Q. Moira, vous être une visionnaire, qu’aimeriez-vous voir continuer, et changer concernant l’inclusion dans la communauté?
J’espère que l’inclusion de tous les enfants n’est pas que des paroles en l’air. Ça m’inquiète. La ressource Comment apprend‑on est vraiment encourageante, notamment la manière dont cette pédagogie laisse place à la réflexion, et son intégration aux attentes afin d’appuyer le personnel éducateur du mieux qu’ils peuvent l’être.
J’espère que les responsables du système scolaire qui appuie le personnel enseignant et les éducateurs(trices) de la petite enfance examinent ce qu’ils transmettent dans les établissements d’apprentissage. Afin que les diplômés comprennent qu’ils enseigneront à tous les enfants. Vous ne choisissez pas qui sera dans votre classe, ni leur style d’apprentissage. Vous devez disposer de stratégies ou au moins savoir qu’il est acceptable de demander de l’aide.
Je crois que le modèle existant demeure le fondement d’une inclusion soutenue, et j’espère que les valeurs fondamentales, telles que les croyances et les pratiques y resteront. Mon rêve serait que les enfants ayant des besoins médicaux fassent partie d’une inclusion soutenue. Ce n’est pas arrivé, même si nous y avons travaillé très fort.
Q. Quelles suggestions donneriez-vous aux parents et gestionnaires de programmes de service de garde, afin de les aider à avoir une voix pour les enfants ayant des besoins particuliers?
Lorsque vous avez un enfant avec des besoins particuliers, vous devez faire preuve de résilience et trouver des mécanismes de soutien tels que des occasions de répit pour vous‑mêmes. Il reste beaucoup de travail à faire en matière de revendication. Je pense aux enfants qui atteignent l’âge de 12 ans et qui ne sont plus admissibles aux services de garde. Ils retombent dans l’isolement social. Avec de nouveaux fonds, j’aimerais que notre modèle soit élargi pour appuyer ce groupe d’âge, avec un modèle complètement différent dans les programmes de loisirs soit développé pour créer plus d’occasions pour les familles dans leur quartier. Cela ferait une différence parce que les familles sont à risque.
J’inciterais les parents et les services de garde à collaborer et à être réalistes quant à vos attentes à l’égard des parents. Pour les directeurs, être présents sur le terrain, accéder aux ressources et aux mesures de soutien pour aider votre personnel éducateur à offrir le meilleur d’eux‑mêmes. Dans l’ensemble, collaborer, régler les problèmes et célébrer chaque réussite. La liste ne fait que s’allonger, et si vous ne prenez pas le temps de reconnaître les acquis, votre résilience pourrait être en péril. Continuer de faire preuve d’habileté, flexibilité et à vous adapter; il s’agit d’une approche saine à notre travail.
Pour appuyer la revendication dans la collectivité, ma vision est que nous sommes capables de travailler avec le ministère de l’Éducation pour avoir un modèle de formation des formateurs pour nos modules qui font une différence dans le renforcement des capacités dans les services de garde en partageant cette formation avec d’autres programmes de ressources pour besoins particuliers.
J’aimerais que le programme de consultants ressources en intervention précoce soit offert à nos collèges communautaires; nous en avons besoin. Peut importante vos probabilités d’être un jour dans un rôle de consultant-ressource, il est indispensable que le personnel éducateur ait accès au contenu de ces cours. Cela les aiderait non seulement à enrichir leurs compétences, mais également à approfondir leurs connaissances.
Q. En regardant vers l’avenir de l’inclusion, quels messages ou réflexions aimeriez-vous partager avec la communauté?
Un enfant, une famille, un service de garde à la fois. Explorez les possibilités; ne vous limitez pas aux handicaps. Ne présumez pas que tout le monde comprend; nous n’en sommes pas là. L’inclusion est un processus. Il faut continuez de travailler afin de réduire l’isolement social des familles et des enfants afin que les enfants soient considérés d’abord comme des enfants. Soyez conscients aux changements du système et des répercussions qu’ils ont sur les enfants, familles et la prestation de services. Continuez d’être à l’écoute des parents et de répondre avec compassion et compréhension afin de les aider à être les meilleurs défenseurs de leur enfant. C’est si simple, mais je crois que c’est au cœur de notre travail.

Sylvie Giroux, Debbie Hanna-Jacklin, Moira D’Aoust, Susan Spence, Lisa Sletcher et Rebecca Vosper en bonne compagnie durant l’heure du thé.