Les temps ont changé depuis les années 1970, tout comme la manière dont nous intégrons les personnes à besoins particuliers. J’écris à titre de sœur qui a été témoin de la manière dont ma sœur aînée a fait partie de ces changements. Au moment où de nombreux enfants vont à la maternelle ou à la garderie, je me rappelle que j’accompagnais mes parents dans leurs divers déplacements pour les évaluations que devait passer ma sœur. Pouvait‑elle parler, écouter, comprendre, marcher et se tenir en équilibre sur un pied? Après l’évaluation, je me rappelle qu’elle est déménagée lorsqu’elle avait environ 5 ans et demi pour aller vivre à Woodlands, en Colombie‑Britannique. Lorsque nous allions la chercher pour une visite familiale, je me rappelle voir les chambres capitonnées, les personnes avec des casques, certaines en fauteuil roulant, lorsque je marchais dans les couloirs pour me rendre au service de pédiatrie. Pendant qu’elle était à Woodlands, ma sœur était amenée en autobus vers une école spéciale, ce qui était rare à l’époque. Notre père se rappelle l’apercevoir, lorsqu’il se rendait au travail en voiture, seule dans l’autobus qui la conduisait à l’école.
Ses photos de classe étaient différentes des miennes. Ses classes étaient plus petites et ne comptaient que des personnes à besoins particuliers, tandis que les miennes étaient plus grandes et ne comptaient aucune personne ayant des besoins particuliers. Mais, lorsque je visitais sa classe, les enfants étaient très semblables à mes amis, et moi, je riais, j’étais curieuse et j’explorais les outils pédagogiques autour d’eux. Ma sœur apprenait les habiletés fondamentales, et moi, j’apprenais la lecture, l’écriture et les mathématiques.
Dans les années 1980, il a été décidé de fermer Woodlands, et les résidents ont été envoyés dans des foyers de groupe plus petits. Le foyer où ma sœur a été envoyée faisait partie du quartier; les résidents faisaient donc partie de la communauté lorsqu’ils se promenaient, allaient à l’épicerie, allaient au restaurant et participaient aux programmes de jour.
Je me souviens des répercussions des évaluations de ma sœur sur ma mère et que ça la menait à la dépression. L’évaluation ciblait ce que ma sœur ne pouvait faire et pourrait ne jamais faire. Mais, ma sœur avait de nombreux talents qu’on ne voyait pas dans les évaluations. Elle avait la capacité de reconnaître lorsque les personnes étaient tristes, en colères ou silencieuses, et elle demandait « toi content? ». Elle se souvenait des personnes qu’elle avait rencontrées, et pour elle, tout le monde était un ami. Lorsqu’elle voyait une personne essayer quelque chose, elle l’encourageait, parce qu’elle savait que ce qui comptait, c’était l’appartenance et l’amitié.
Les temps ont changé; les grandes institutions verrouillées n’existent plus. Maintenant, nous voyons des personnes à besoins particuliers travailler, socialiser et profiter de la vie dans nos quartiers, nos écoles et nos familles.
Alison Wojtas